30 May
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Voici l’étonnante histoire du paquebot Normandie, symbole de l’excellence française à la fin cruelle 

Par Noémie DAMBRIN. 

Il y a 90 ans, le 29 mai 1935, le paquebot le Normandie quittait le Havre pour sa traversée inaugurale. Symbole de l’élégance et de la puissance française, il fut le plus rapide, le plus somptueux, le plus ambitieux des transatlantiques de son époque. Moins de dix ans plus tard, après un incendie aux origines mystérieuses, il gît, calciné, dans le port de New York. Retour sur l’épopée tragique de ce géant. C’est une vague immense qui ouvre le bal. En octobre 1932, 200 000 personnes se massent sur les rives de la Loire à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) pour assister au lancement du Normandie, futur joyau de la marine marchande française. Lorsqu’il touche l’eau, le navire soulève une houle spectaculaire qui déferle sur la foule, retrace le Courrier International . Aucun blessé grave, mais un frisson parcourt les spectateurs : ils viennent d’assister à la naissance d’une légende. Construit aux chantiers de Penhoët à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), ce géant des mers est une réponse directe aux paquebots britanniques et allemands. À l’époque, traverser l’Atlantique n’est pas un luxe, c’est une nécessité. Et la France veut montrer au monde qu’elle peut allier technologie, vitesse et raffinement. Long de 313 mètres, soit plus haut que la Tour Eiffel, doté de trois cheminées, le Normandie est une vitrine du savoir-faire national. « Tout en lui résumait la France, son style, son sens du luxe, sa vénération de la cuisine », écrit The New European . Il aura fallu quatre ans de travaux, et 860 millions de francs investis, majoritairement publics, pour faire sortir ce palace flottant des cales. Un palais sur les flots Le Normandie n’est pas seulement un exploit technique, c’est un miracle d’élégance. À bord, une discothèque, un fumoir à l’égyptienne, une piscine intérieure, des jardins d’hiver avec des volières, un théâtre, une piscine, un stand de tir, un court de tennis, une église et une synagogue. Les animaux de compagnie ont même leur propre chenil, détaille le site spécialisé Mer et Marine 

Le Grand Salon du « Normandie ». (Photo : Wikimedia Commons) 

Mais c’est surtout la salle à manger qui marque les esprits : plus de 90 mètres de long, des portes sur 6 mètres de haut, des colonnes de verre signées du maître verrier Lalique. Le tout baigné d’un éclairage doux. Les 400 cabines de première classe sont toutes décorées différemment. Colette, Walt Disney, Marlene Dietrich ou encore Antoine de Saint-Exupéry font partie des voyageurs de prestige. 


Dès sa mise en service, le Normandie pulvérise les records. Il rafle le Ruban Bleu (récompense créée par les compagnies de navigation transatlantique au XIXe siècle, attribuée au propriétaire du navire le plus rapide du monde) lors de sa traversée inaugurale le 29 mai 1935, il y a 90 ans presque jour pour jour, battant la vitesse de tous les autres paquebots : 30 nœuds, soit 55 kilomètres/heure en moyenne. Il devient alors « le plus rapide, le plus grand, le plus beau », selon les mots du documentariste Jean-François Pahun. Une guerre, une réquisition et un destin brisé Puis, le rêve s’interrompt brutalement. Le 28 août 1939, le Normandie accoste une dernière fois à New York. La Seconde Guerre mondiale éclate, le retour en France devient trop risqué, explique France Inter .

 En décembre 1941, après l’entrée en guerre des États-Unis, le gouvernement américain saisit le paquebot. Il est rebaptisé USS Lafayette et destiné à devenir un transport de troupes capable d’embarquer jusqu’à 10 000 soldats. Mais la transformation est précipitée, chaotique. Le 9 février 1942, alors que les travaux sont toujours en cours, une étincelle causée par un soudeur met feu à un tas de gilets de sauvetage entreposés dans le Grand Salon. Le feu se propage à une vitesse fulgurante.

L’épave de « Normandie » (rebaptisé « USS Lafayette » par les Américains), dans le port de New York, en février 1942. 

(Photo : SAINT-NAZAIRE AGGLOMÉRATION TOURISME. ÉCOMUSÉE/FONDS CHANTIERS DE L’ATLANTIQUE) 


Malgré ses systèmes anti-incendie sophistiqués, le Normandie est livré aux flammes.

Ironie tragique : ces dispositifs avaient été désactivés pour les travaux. Les pompiers de New York peinent à intervenir : leurs tuyaux ne sont pas compatibles avec les équipements français. Le navire brûle toute la journée. Et, déséquilibré par les tonnes d’eau déversées, il finit par se coucher sur le flanc, manquant d’écraser un bateau-pompe dans sa chute. Un pompier meurt, près de 300 personnes sont blessées, décompte Mer et Marine. Sabotage ou négligence ? L’émotion est immense. Le Congrès américain lance une enquête. Officiellement, l’incendie est dû à un accident. Mais les rumeurs pullulent. Sabotage nazi ? Représailles de la mafia new-yorkaise ? Manipulation militaire pour masquer un échec logistique ? 


Le « Normandie en flammes », les bateaux pompiers se présentent. (Photo : Licence Creative Commons)

 Jean-François Pahun, qui a consulté plus de 3 000 pages d’archives du FBI, ne croit pas à la thèse de l’accident. Il évoque des preuves d’une enquête bâclée et des témoignages faisant état de plusieurs foyers d’incendie simultanés. Il pointe aussi la présence intrigante d’un ancien sous-marinier allemand, William Dreschsel, très proche du Normandie. « Pour brûler ce bateau, il faut le vouloir », insiste-t-il auprès d’ Ouest France 

Lire aussi : À Saint-Nazaire, l’étonnant album géant du paquebot Normandie

 Revendu pour son acier En 1943, la carcasse du navire est renflouée, mais jamais réparée. En 1947, elle est vendue à une entreprise de ferraillage pour 161 000 dollars. Le plus beau paquebot jamais construit disparaît dans les chantiers de Port Newark à New York. Mais son âme, elle, survit. Les éléments les plus somptueux du Normandie sont dispersés. La verrerie Lalique orne aujourd’hui la cathédrale maronite de Brooklyn. Des peintures murales sont exposées au Metropolitan Museum of Art . Ce qui fut le fleuron de la France vogue désormais à travers la mémoire et les musées.



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